RADIOSCOPIE
DE
LA SICILE
Par Rosaire di Stefano
de l’Association Normandie- Sicile
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- Un certain parcours
- Terre d'invasion - Profil du Sicilien (ausculté)
- Impressions personnelles
- Quelques épisodes tragiques
- Un regard sur la langue Sicilienne
- Le chant Sicilien
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UN CERTAIN PARCOURS
Entre les deux ailes de la méditerranée, elle n’est pas n’importe quelle région. Elle fut à la fois un lieu d’échange et un lieu de violences, avec ses massacres, ses déplacements de populations, ses villes rasées. On ne compte pas ceux qui se sont installés chez elle, bouleversant de fond en comble paysages urbains et ruraux. (En parenthèse : Les Romains en avaient fait leur grenier à blé. Les musulmans alimentaient leurs marchés d’esclaves à TUNIS avec la population Sicilienne toute proche. Les Espagnols ont saccagé ses forêts. Et presque tous les occupants ont fait payer aux Siciliens des « taxes d’occupation et d’alimentation)
Les ELYMES puis les SICANES, premiers habitants de l’île, furent absorbés par les SICULES, lesquels furent absorbés par des populations venant de GRECE, pour former avec elles le brassage appelé SICILIOTES. Origine du mot SICILIEN; ce fut la naissance de la GRANDE GRECE. (Syracuse a pu, au 6° siècle avant notre ère, rivaliser en puissance et en pouvoir d’attraction, avec Athènes)
De ce commencement, jusqu’à la proclamation de l’unité Italienne de 1861, l’île a été un extraordinaire laboratoire politique et le lieu d’affrontement de cultures diverses. (C’est d’ailleurs pour la Sicile que les ROMAINS avaient déjà inventé la notion de PROVINCE, sans doute pour une nécessité d’ordre.)
TERRE D’INVASIONS, D’ENJEUX STRATEGIQUES ET D’HISTOIRE TOURMENTEE
Déjà, elle fut l’enjeu de la première guerre punique entre CARTHAGE (établi à la pointe S.O. Marsala) et ROME. Rome s’empara de l’île. A la fin de l’empire, La Sicile fut successivement foulée par les VANDALES (Germains et Slaves), les OSTROGOTHS (Germains), les BYZANTINS, les SARRAZINS (musulmans d’Europe et d’Afrique, qui pouvaient ainsi contrôler le bassin méditerranéen) et enfin par les NORMANDS, lesquels, sous le gouvernement du comte ROGER, (ROGER II de HAUTEVILLE GUICHARD) couronné roi en 1130, la rendirent de nouveau prospère.
Pendant plus d’un siècle, ces normands s’assimilèrent totalement. Un descendant de ROGER II, FREDERIC II, fera de ce royaume une des monarchies féodales les mieux structurées. PALERME deviendra l’unique ville à pouvoir rivaliser avec les grandes villes BYSANTINES (Constantinople) et MUSULMANES. Du point de vue culturel et artistique, une intense activité de traduction d’archives, en collaboration entre CHRETIENS, JUIFS et MUSULMANS firent de PALERME à la fois la capitale exemplaire de l’Europe chrétienne et UNE EXCEPTION.
Après de longues et sanglantes guerres, la grande île passa aux mains des empereurs. (Règne des empereurs Henri VI et Frédéric II.) puis de la maison d’ANJOU. La Sicile a sans doute raté son Destin indépendant avec l’OCCUPATION FRANCAISE et avec CHARLES 1er comte D’ANJOU (frère de Saint Louis) devenu roi à son tour. (Voir pour mémoire le massacre des occupants Français appelé VEPRES SICILIENNES, 30 et 31 mars 1282, un mardi de pâques à Palerme et à Messine…illustrées par l’opéra de VERDI). Ce roi, en pleine conquête, mécontenta les Siciliens en s’installant à Naples, en distribuant des fiefs à des Français et en instaurant des taxes excessives.
Après les ANGEVINS, ce fut le tour de la maison d’ARAGON et de la monarchie ESPAGNOLE, marquant un relatif déclin de la Sicile.
En 1738, la Sicile fut réunie au ROYAUME DE NAPLES pour former le ROYAUME DES DEUX SICILES jusqu‘en 1860, sous le gouvernement d’une branche de la maison des BOURBONS. (Entre temps,en 1820, les révolutionnaires de Palerme demandaient l’autonomie de l’île et une révolution agraire eut lieu en 1848.) Giuseppe GARIBALDI débarque en Sicile. Avec son expédition des « mille » le royaume des deux Siciles est rattaché à l’état PIEMONTAIS par un plébiscite le 12 octobre 1860. Ce rattachement est très contesté. Le vote s’est fait sous la menace de l’armée d’occupation et n’était pas secret. (La chute de l’aristocratie Sicilienne, face à l’invasion de Garibaldi, est racontée dans le livre et le film « Le guépard ».) L’année suivante, le 17 mars 1861, l’état Piémontais changea son nom en ROYAUME d’Italie et la Sicile devient une partie de l’Italie. (A rappeler : Une vaste guérilla populaire le BRIGANTAGGIO). Ce fut une lutte de résistance contre les Piémontais et le nouvel état Italien, qui dura plus de 10 ans, donna lieu à une violente répression militaire menée par l’armée Italienne. Des centaines de milliers de morts civils, des milliers de déportés, la destruction de nombreux villages, l’effondrement économique de toutes les régions du sud et une énorme VAGUE D’EMIGRATION SANS PRECEDENT dans l’histoire de l’île, qui porta des millions de Siciliens à l’étranger.) Nous pourrions faire une comparaison avec le destin de l’Irlande face à l’occupation et à l’oppression Anglaise depuis 1169 à nos jours, avec les mêmes causes et les mêmes effets : 1729- Famine en Irlande et début de l’émigration vers l’Amérique. 1 million de morts. Un million d émigrants. Naissance de l’IRA un lundi de pâques, justement… - 24/4/1916 etc.)
Avant l’union avec l’Italie, la Sicile a été une des régions les plus riches et développées d’Italie. Mais après l’union, la Sicile et tout le sud de l’Italie, furent ravagés au profit du Nord, où se créèrent de grandes zones industrielles et urbaines, avec l’apparition d’une activité syndicale importante. Pouvoir et progrès y furent concentrés.
Naissance des réseaux de crimes organisés autour de 1860. Leur influence s’étend à partir de la fin du XIX° siècle partout dans le monde, notamment aux U.S.A. Partiellement éradiquée par le régime fasciste à la fin des années 1920. (Méthodes expéditives…) mais réintroduite par les U.S.A. lors de la seconde guerre mondiale. (En échange d’une collaboration pour faciliter le débarquement dans l’île par les forces alliées en 1943.)
Son destin de « serpillière de la méditerranée » semble être
constant:
Le Général Montgomery (Anglais) et le général Patton (Américain) l’occupèrent pendant 38 jours. Ce furent 38 jours de trop car on a pu noter des abus et des viols en série commis par les troupes alliées « libératrices ». Cette occupation préluda à la campagne d’Italie, à la montée vers Rome, Cassino, Berlin et à une fin de guerre plus rapide avec une économie de vies humaines civiles sur l‘île. (Certaines alliances avec le diable ont pu être décidées pour « une bonne intention… »?)
Cette île, décidemment mal placée et considérée comme stratégique, se trouve exposée à toutes les vicissitudes : Des bases militaires Américaines s’y étaient installées (à COMISO), qui l’avaient rendue vulnérable aux attaques éventuelles des ennemis inconditionnels des Américains. (Grandes manifestations populaires pour s’en débarrasser.)
Actuellement, la petite île de LAMPEDUSA, située entre la grande île et l’Afrique, sert massivement de transit aux émigrés clandestins voulant s’établir en Europe.
PROFIL DU SICILIEN
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Quelques périodes cruciales ont pu déterminer le tempérament particulier du Sicilien :
(1) LA MARGINALISATION de ROGER II et de l’île par le PAPE (Le pape excommunie à tour de bras à cette époque) et les
tensions entre les deux pouvoirs, ont pu créer ce fil conducteur d’une mémoire collective transmise à travers le temps, d’âme en âme, comme une influence d’ordre psycho généalogique.
(2) LA TYRANNIE ESPAGNOLE exercée sur l’île vis-à-vis d’une population injustement et durement traitée.(ce fut une des périodes d’occupation les plus propices à l’émergence ou à la concrétisation de l’épiphénomène MAFFIA pouvant s’expliquer sans doute par la mauvaise gestion et les injustices infligées aux populations. Relation de cause à effet…On associe parfois la naissance de cette maffia, tant décriée, au combat pour l’indépendance et contre la domination étrangère, Espagnole notamment. (Probablement d’origine Arabe, le mot maffia peut signifier, « en avoir… en vouloir… etc…)
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A PROPOS DE LA MAFIA
Concernant toujours cette mafia, il faut voir surtout la période de 1860 : Elle acquiert une réelle importance avec la mainmise sur la population, de mercenaires armés, recrutés par les gros propriétaires terriens de l’époque. Ces gros propriétaires leur avaient confié la gestion et la protection de leurs biens pour s’exiler et aller faire la fête à l’étranger, suite aux troubles provoqués par la conquête de l’Italie par Napoléon III. Ils n’avaient certainement pas mesuré les conséquences de leur égoïste éloignement.
Au fil du temps, prenant goût au pouvoir, ces mandataires contrôlaient toute la production agricole. Dans l’escalade d’une violence extrême, les « mafiosi » devenant les véritables maîtres, ont extériorisé ce sentiment de frustration qu’une grande majorité de Siciliens a pu ressentir sans toutefois être concernée par ces dérives extrêmes. Cette PRIVATION DE POUVOIR permanente, sur une terre toujours occupée, leur a irrémédiablement donné l’opportunité d’établir un état dans l’état d’intrusion du moment. La soif de pouvoir semble avoir été la motivation première des maffiosi, l’argent étant le moyen d’affirmer ce pouvoir. L’exemple nous a été donné lors de la capture récente, le 11 avril 2006, de Bernardo Provenzano dit le « tracteur ». Il était en cavale depuis 43 ans. Il a été capturé dans une bergerie décrépite non loin de son village de son enfance, et non pas dans le palace d’un lointain pays, un gros cigare à la bouche. Il s’était, parait-il, nourri de pain et de fromage pendant tout ce temps là. C’est cette frénésie du pouvoir qui a dû le tenir en haleine et lui procurer ses plus grandes satisfactions.
Toujours tenaillé par de vieilles peurs et habité par une rage impuissante, la généralité de la population a toujours tenté de trouver les voies les plus sûres et les plus légales d’intégration à la normalité, notamment par l‘exode forcé.
Mais après la deuxième guerre mondiale, les aspirations Séparatistes toujours vigoureuses qui persistaient furent largement prises en compte dans la création de la REGION AUTONOME DE LA SICILE. Elle a été une des toutes premières régions à obtenir très rapidement cette autonomie. On a ainsi tenu compte du désir particulièrement fort des Siciliens de jouir de la plus grande indépendance possible.
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Il paraîtrait donc évident qu’à travers ce parcours « bouillonnant » un profil particulièrement Sicilien ait pu se construire. LEONARDO SCIASCIA écrit ceci dans son édifiant ouvrage « La Sicile comme métaphore » : -Un besoin de cohérence et l’instinct de préservation ont sans doute entretenu chez le Sicilien un désir inconscient de repli et un sentiment de méfiance, le mettant, à bien des égards, en MARGE des ordres successivement établis sur son île, depuis toujours convoitée, et même au delà. Tout ce qui ne concerne pas son propre monde lui devient ETRANGE.
Le Sicilien a donc toujours tourné le dos à la mer face aux invasions de toutes sortes : Face aux pouvoirs successifs d’importation et même aux diverses et successives langues écrites imposées (voir le renforcement de la langue parlée Sicilienne
comme principal moyen d’identification).
DEUX EXCEPTIONS sont à signaler dans cette profusion d’occupations et d’injustices subies :
(1) La colonisation de la Grèce antique a été une occupation d’assimilation. Le grec a continué à se parler et à s’écrire encore
sous l’occupation Romaine comme langue locale et légitime.
(2) L’intrusion Normande a été considérée aussi comme une occupation d’assimilation après avoir été une force d’intervention libératrice. Sa totale implication à l’île a créé le terreau de la
« Sicilianité » actuelle. (Les Normands débarquaient sans leurs femmes. Ils procréaient sur place et assuraient la pérennité de la Sicile). Le culte du Sicilo-Normand perdure : Voir la transmission orale des contes, l’opera dei pupi, le palio commémoratif des batailles décisives contre l’occupant Sarrazin à PIAZZA ARMERINA et à SCICLI. Les associations, les colloques, les « souvenirs » vendus aux touristes etc…
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IMPRESSIONS TOUTES PERSONNELLES
Pouvant être débattues.
Injustices répétées, misères provoquées, exploitation, humiliations, immigrations forcées, ont pu contribuer à produire ce tempérament particulier pouvant intriguer certains esprits étrangers à ce peuple. Le caractère affable et pondéré du Sicilien n’est plus à démontrer. Du Syracusien Archimède jusqu’à l’Agrigentais Pirandello, beaucoup d’humanistes et d’artistes ont habité ou visité cette terre. Une mosaïque de cultures diverses, une richesse historique accumulée et l’exemple de tolérance donnée dans le passé, méritent d’être pris en compte. « La Sicile est un univers à elle toute seule. » C’est ce qui fait dire aux Siciliens : ‘Tuttu u munnu è paisi.’ Le monde est un village. Et ce village se trouve à demeure.
Certes, les Siciliens ont fait preuve parfois de violentes réactions. Leur capacité à absorber l’ignominie a pu dépasser le seuil critique et leurs explosions ont été extrêmes. Les VÊPRES SICILIENNES peuvent être lues comme « l’affirmation tumultueuse de la Sicilianité ». Aucun Français ne survécut, à l’exception notable de Guillaume des Porcelets, chambellan de Charles d’Anjou. Les Siciliens se sont souvenus de sa droiture et de sa vertu. Ce fut la première expression unitaire d’une population soudée politiquement et bientôt culturellement. La naissance d’une identité par la violence. (L’événement a inspiré Dante, Delavigne-Lamothe, Langon, Verdi…) Le soulèvement de Palerme et de Messine, qui débute le 30 mars 1282, fut généralisé. Ceux qui se souvenaient encore d’être « Normands » se sont impliqués totalement.
Mais si la Sicile a été cette terre d’invasions, de litiges et de violences, elle fut aussi une terre d’accueil. La Sicile accueille, assimile et protège dans ses plis... L’exemple est donné par la PIANA DEI ALBANESI, située à peine à 24 Km de Palerme : En
1488, des Chrétiens fuient les Ottomans et créent de toutes piècescette région. Ils gardent toujours leurs traditions d’origine tout en assumant leur totale Sicilianité.
D’où que l’on vienne, connaître la Sicile c’est vouloir se connaître un peu plus : Quand des Grecs font le voyage en Sicile, paradoxalement ils découvrent entièrement la Grèce , leur patrie.
Quand des Musulmans veulent en savoir plus sur leurs prestigieux poètes, scientifiques, philosophes etc… Ils mettent à jour une mémoire Sicilienne demeurée intacte…
Hélas, la seule grande question qui vient à l’esprit de tout un chacun à l’étranger c’est : - Et la mafia ?
Et bien, la mafia est l’aboutissement d’une relation de cause à effet. Pourquoi la maffia ? (Abordé plus haut) Pourquoi l’I.R.A.
L’E.T.A. le communisme, le fascisme, l’islamisme etc.…?
D’autres mafias sont apparues et apparaîtront encore, nous invitant toujours à « causaliser » comme disaient nos érudits d’autrefois. C’est-à-dire remonter des effets aux causes. Non pour excuser « l’effet » mais bien pour appréhender « la cause. » Le principe de causalité se résume bien à ceci : « tout ce qui commence d’exister a une cause » Il faut certes condamner. Mais connaître les causes permet bien souvent de prévenir.
Mon analyse est sans doute approximative, peut-être erronée quelque part… Mais à côté des thèses racistes qui proposent l’explication d’une hérédité « génétique » maffieuse, (Sicilien donné comme synonyme de maffieux) ma proposition tient certainement mieux la route. - C’est dans les gènes, m’a-t-on affirmé une fois. Que répondre à cela, sinon que c’est dans le racisme que l’on puise de telles convictions.
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QUELQUES EPISODES TRAGIQUES DE SON HISTOIRE :
Rappel de certaines intrusions violentes
(1) La conquête Arabe :
A) Le côté négatif.
Elle s’est opérée par la terreur et les massacres gratuits des populations, afin de faire ouvrir les portes des cités et pour prévenir toute velléité de résistance ultérieure. (Instauration de la peur paralysante) Comme un certain Cortès aux Amériques, et bien avant lui, ils brûlèrent leurs vaisseaux pour éviter toute tentation de retour. La Sicile, point stratégique de contrôle de la méditerranée, leur était nécessaire pour un projet plus global d’expansion future au reste de l’Europe. On a beaucoup mentionné la liberté religieuse qu’ils ont accordée aux habitants de l’île. Cette tolérance, toute honorable, a pu obéir aussi à une stratégie de nécessité d’ordre politique, le projet d’expansion ne permettant pas le maintien permanent d’un contrôle oppressif. Mais les pouvoirs délégués aux Siciliens étaient de petits pouvoirs locaux et les habitants devaient payer une taxe d’occupation et d’alimentation.
Un marché d’esclaves établi en face de l’île, à TUNIS, était presque exclusivement alimenté par les Siciliennes et les Siciliens. Les « mammalùcci » mot qui désigne aussi les idiots.
(Des descendants de ces esclaves existent encore en Tunisie)
B) Aspect positif.
« Qui prend s’engage ». Croyant à leur installation définitive, ils
laissèrent l’empreinte d’une riche civilisation avancée dont le roi Roger II tiendra compte durant son règne. Il gardera en collaboration toute une élite musulmane et réalisera la synthèse des trois cultures : Byzantine, Musulmane et Normande.
(2) La conquête Normande :
A) Le côté négatif.
La barbarie exercée par les premières intrusions de Robert le GUICHARD, notamment en Calabre, ont marqué au fer rouge le sud de l’Italie. « Il a semblé que les portes de l’enfer s’ouvraient à la population »Massacres de femmes, d’enfants, rapines, incendies etc.…
B) L’aspect positif.
Plus tard, les maîtres Normands de Sicile ne s’entacheront pas par les crimes commis en croisade. TANCREDE DE HAUTEVILLE fit preuve d’humanisme en préservant des populations musulmanes menacées par des fanatiques croisés.
La synthèse des deux cultures opposées, la chrétienne et la musulmane, qui se sont combattues inutilement, trouvera par la suite toute sa valeur avec l’empereur FREDERIC II qui dépassera les limites restreintes des singulières civilisations pour en produire
une nouvelle, dégagée des erreurs de l’une et de l’autre et qui reste encore aujourd’hui, à presque 1000 ans de cette époque, un exemple à suivre pour toute la planète.
3) L’aboutissement néfaste de l’unité Italienne de 1861 pour les Siciliens :
( Réf. Sergio Romano. « Histoire de l’Italie, du Risorgimento (résurgence) à nos jours).
A) Le négatif.
Après l’unité de l’Italie proclamée, le Nord s’étant approprié les pouvoirs et les ayant centralisés, Les Siciliens, laissés pour compte, ont dû s’expatrier en masse.( 1901-1914-- les plus fortes émigrations: 8.623.730 pour toute l’Italie mais essentiellement dans le sud.)
Les ouvriers du nord, avec l’industrialisation, grâce à leurs forces concentrées et aux grèves, ont pu accéder à une existence plus digne. Dans le sud, la misère noire s’installait. Un certain CRISPI, président de l’époque, réprime durement des émeutes Siciliennes en I894. Il prend contact avec le gouverneur de L’ERYTHREE (au nord de l’Éthiopie, possession Italienne de 1891) pour une expansion coloniale permettant une vaste émigration. Une manière assez expéditive pour se débarrasser d’un sud encombrant… Ce qui n’a pas manqué de renforcer la défiance du Sicilien vis-à-vis de toute autorité rapportée. (Revoir l’analyse de L. SCIASCIA)
On aimerait se dire que « c’est de l’histoire ancienne… » Mais tout récemment la LIGUE DU NORD d’un certain BOSSI demandait la séparation du Nord riche et du Sud plus pauvre. ( Un Sud qui avait, du temps de sa prospérité, couru en vain, lui aussi, après son autonomie…).
Aujourd'hui des "taggers", patriotes nordistes, inscrivent sur les murs de leurs superbes villes: FORZA ETNA ! Certains, sans doute parmi les plus pieux, doivent prier pour des éruptions meurtrières en Sicile.
B) La conclusion positive.
Avec l’autonomie de gestion accordée spontanément, les gouvernements Italiens ont su tirer les leçons du passé. Un important budget est accordé pour la lutte contre le chômage. De nombreuses industries s’implantent en partie avec le financement de la cassa per il Mezzogiorno. L’île possède certaines richesses qui ne demanderaient qu’à s’étoffer : L’agriculture représente 20% du produit national brut. La culture des agrumes et des légumes est intensive. (Voir l’installation des serres) A l’intérieur, la culture du blé, aussi intensive, prédomine sur de grands domaines voire même immenses pour certains. La Sicile possède presque un quart de la flotte de pêche Italienne et les 25.000 pêcheurs de l’île participent pour environ un cinquième au produit de la pêche nationale. Elle est également riche en minéraux (soufre, asphalte, pétrole)
L’Europe aide au développement et à l’entretien du patrimoine culturel de l’île. Mais les possibilités de développement touristique sont immenses et restent inexploitées. Des blocages et des résistances « occultes » freinent l’expansion.
Et puis le Sicilien n’est probablement pas encore mûr pour de grandes mutations. Il ne le sera peut-être jamais. Son âme a été poinçonnée par de trop grandes désillusions. L’intérieur du pays garde sa rusticité et une certaine méfiance face au modernisme.
Les jeunes déplorent cet immobilisme. Ils partent tenter ailleurs leur chance et la chance leur sourit bien souvent, compte tenu de leur faculté naturelle d’adaptation, de leur loyauté envers le pays d’accueil et de leur courage. Mais ils reviennent régulièrement se ressourcer. Sans trop le savoir, ils préfèrent la retrouver intacte cette Sicile. « STA SICILIA CA SI CIRCA COMU L’ARIA » Cette Sicile que l’on cherche comme l’air que l’on respire.
Peut-être faudra-t-il préserver ce jardin universel comme une réserve de sérénité, comme un antidote au tumulte et au dérisoire.
On trouve ailleurs, au mieux, toutes sortes de « paradis fiscaux » et au pire, l’enfer un peu partout. La Sicile, elle, c’est le paradis tout court. L’U.N.E.S.C.O. ferait bien, une fois pour toutes, de classer l’île entière comme patrimoine d’humanité universelle.
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Cette histoire, qui fait partie de la panoplie du philosophe, illustre bien le propos :
- Un Sicilo-Américain évolué, en vacances sur une plage de Sicile, interpelle un pêcheur affalé sur le sable, en pleine sieste, la tête à l’ombre de sa barque et le corps au soleil. - Hé ! Ualio… C’est à toi cette barque ? - Oui, répond le pêcheur dérangé.
-Pourquoi n’es-tu pas en train de pêcher au lieu de paresser ?
- Ma barque est trouée, réplique l’autre. - Répare la et va donc pêcher, santu cristu, insiste le Ricain… - Et pourquoi faire, s’étonne le persécuté? - Comment pourquoi faire, s’indigne le Ricain. Pour vendre ton poisson et gagner du fric! Après, tu achètes une deuxième barque, tu embauches un autre pêcheur…
- Et pourquoi faire, s’impatiente le pêcheur hors de l’eau ? - Mais pauvre GIUFÀ, s’offusque le businessman pédagogue… Avec les bénéfices tu ouvres un fabrique de poissons en conserve et tu… - -Vous allez me dire enfin pourquoi faire tout ça, s’énerve l’éberlué ? - Mais, éternel MAMMALÙCCU, c’est pour avoir une place au soleil, conclut enfin le maniaque de la sainte croissance ! - Et où crois-tu que je sois en ce moment, hein, je ne suis pas au soleil, peut-être, explose l’adepte de la sieste à tout prix? Allez, retourne d’où tu viens et va monter, avec ma bénédiction, tes usines ailleurs… Et le pêcheur dépouillé de son prédicateur parasite, replonge sa tête à l’ombre en gardant précieusement sa place au soleil…
Festival de Saint Arnoult : 25-26-27-28 Mai 2007- Abbaye de Saint Arnoult - OISE -
UN REGARD SUR LA LANGUE SICILIENNE
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C’est une vraie langue. Ce n’est pas un dialecte. Elle a sa propre grammaire et sa propre syntaxe.
HISTORIQUE: C’est un langage né par le peuple, toujours correctement parlé. Mais les diverses nations qui ont occupé l’île, ont imposé leur langue écrite. ( Le Grec, le Latin, l’Arabe, le Toscan… ) C’est ce qui expliquerait un certain repli et le développement d’une culture autarcique. Ne pouvant accéder à toutes les éruditions étrangères successives, le peuple a gardé intacte son originalité et a pu entretenir sa connexité. ( Exemple contraire en France où une seule langue a pu s’imposer au détriment des langues régionales « étouffées » )
SON EVOLUTION: Les premiers habitants de l’île, les Sicanes et les Sicules, avaient leur langage, un résultat de leur amalgame. (1)
Ce langage, le Sicula, a été baptisé par les Grecs: Siciliota. Il s’est enrichi au cours des siècles d’occupation par l’apport de termes étrangers assimilés ou remodelés. (2)
EXEMPLES DE TERMES APPROPRIES: babbiari du Grec babazo qui veut dire plaisanter. ( en Italien, scherzare ). Ciràsa du Grec kérasos qui veut dire cerise. ( en Italien, ciliegia ). Firriàri du Grec peri-féro qui veut dire voyager, roder, se promener… ( en Italien, girare attorno ) Cucùzza du Latin cucùrbita qui veut dire citrouille, courge. ( en Italien, Zucca ). Antùra du Latin Ante horam qui veut dire tantôt, tout à l’heure, il y a peu de temps… ( en Italien, poco fa ) Babbaluci de l’Arabe babalush qui veut dire escargot. ( en Italien, lumaca ) Giugiulena de l’Arabe
Giulgiulan qui veut dire sésame. ( en Italien sesano ) Sciarra de l’Arabe sciarr qui veut dire querelle, guerre, dispute… ( en Italien, lite ). Càlia de l’Arabe haliah qui veut dire pois chiche grillé. ( en Italien, ceci abbrustoliti ) Palermu de l’Arabe Balarmu, forme arabisée du Grec Panormo qui veut dire Palerme.( en Italien,Palermo) Muntata du Normand (3) muntada qui veut dire montée. ( en Italien, salita ) Picciottu du Normand picot qui veut dire jeune. ( en Italien, giovane ). Scinnùta du Normand schenduda qui veut dire descente. ( en Italien, discesa ). Ammuntuàri du Normand mentover qui veut dire nommer, citer. ( en Italien, nominare ) Cunortu du Normand conort qui veut dire résignation. (en Italien, rassegnazione) Abbanniàri du Germain
Bandujan qui veut dire proclamer, crier. ( en Italien, proclamare, gridare ). Aggranfari du Germain kraffa qui veut dire user de violence. ( en Italien, prendere con violenza ). Brinnisi du Germain bring di sie, qui veut dire `` à la santé! ``. ( en Italien, alla salute ). Merca du Germain marka qui veut dire signe, marque… ( en Italien, segno ). Arràspàri du Germain raspon qui veut dire gratter. ( en Italien, grattare ). Aghiurnari de l’angevin ajourner qui veut dire faire jour. ( en Italien, farsi giorno ). Attacari de l’Angevin atacher qui veut dire attacher. ( En Italien, legare ). Basculla de l’Angevin bascule qui veut dire bascule. ( en Italien, bilancia ). Boffa de l’Angevin bouffe qui veut dire gifle, baffe…( en Italien, schiaffo ). Isari se l’Angevin hisser. ( en Italien, alzare ). Muccaturi de l’Angevin mouchoir.(en Italien, fazzoletto).
Parpagghiùni de l’Angevin papillon. ( en Italien, grossa farfalla ). Racina de l’Angevin raisine qui veut dire raisin. ( en Italien, uva ). Stuiari de l’Angevin estujer qui veut dire essuyer. ( en Italien, pulire ). Travagghiari de l’Angevin travailler. ( en Italien, lavorare ). Babbu de l’Espagnol babbo qui veut dire simplet. ( en Italien, sempliciotto ). Capunata de l’Espagnol caponada. Spécialité culinaire Sicilienne. Crianza de l’Espagnol crianza qui veut dire éducation. (en Italien, educazione). Mancu de l’Espagnol manco qui veut dire gauche. (Pignata de l’Espagnol pinada qui veut dire casserole, marmite… (en Italien, pentola). Ruffiànu de l’Espagnol rufian qui veut dire séducteur, flatteur. En Italien, seduttore, adularore ). Zita de l’Espagnol cita qui veut dire fiancée. ( en Italien, fidanzata ).
(1) - A l’origine, le langage SICANE et le langage SICULE se sont amalgamés dans un métissage instaurant un unique système de vie.
(2) - La Sicile, terre d’INVASION, fut un carrefour d’échanges. On peut, en extrapolant, dire qu’elle est un petit univers à elle toute seule. Sa langue est en tout cas, bien avant l’Espéranto ou l’Anglais, l’endroit où presque toutes les sensibilités se reflètent. Elle n’est certes pas commerciale et répandue mais plutôt charnelle et authentique.
(3) - La présence Normande en Sicile a été le catalyseur de l’identité Sicilienne du fait de la totale assimilation des Normands et de leur volonté de s’affirmer en tant que Siciliens.
N.B. - Les autres langues néo-latines ( Italienne, Française, Espagnole…) ne sont pas
Des langues originales comme la langue Sicilienne. Elles sont issues d’une
Dégénération de leur souche commune: Le latin.
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LE CHANT SICILIEN
par Rosaire DI STEFANO
du groupe vocal TRINACRIA
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Pour le sicilien, le chant est le moyen le plus simple d'expression. On compare souvent les chanteurs de Sicile aux ménestrels du moyen-âge qui racontaient les histoires de la vie sur les marches et les places publiques, on les appelait : "I cantastorie" (les chante histoires). Le chant populaire est issu des cultures régionales. Les contrées les plus pauvres et les plus opprimées, surtout agricoles ont exprimé à travers les siècles, les sentiments forts qu'un peuple en souffrance peut exprimer, un peuple toujours tenaillé par de vieilles peurs et habité par une rage impuissante. Les chansons parlent de désirs inassouvis mais elles sont souvent à caractère d'invocation et de prière.La scacralité qui en découle est simple et france. Jamais obsédante. Le mouvement dramatique de certains thèmes évoqués se trouve, en quelque sorte, allégé par le contraste et la diversité des sentiments évoqués (invocation, protestation, amour et passion, humour et dérision, soif de justice etc...).La procession de Marie au 15 août est toujours une fête empreinte de fraîcheur et de gaieté. Les berceuses pour enfants rappellent que l'enfant est roi et qu'à travers lui c'est le Christ qui est honoré. Un déclaration d'amour devient apologie de la beauté... Oui, le sicilien peut être excessif. Mais comment se sentir vivre sans un peu d'exagération ? par le chnt, nos entrons dans le coeur d'une île qui n'a jamais fini de vibrer et d'aimer.
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TERRA CA NON SENTI
(Terre insensible)
Par Rosaire Di Stefano
Titre de l’Album de chansons
produit par TRINACRIA _
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Tous les émigrés forcés du monde on chanté leur nostalgie. Regrets exprimés avec douleur mais rappel aussi du souvenir heureux laissé derrière soi. Il est souvent suestion de ciel bleu, de fleurs ou d'mours en attente du retour...Mais avec "Terra ca non senti", la colère submerge toute image poétique. le désespoir du non retour tarit les coeurs. C'est l'amertume du reproche qui couve et qui fuse en rage impuissante. Une terre que l'on ne peut haïr et que l'on ne peut chérir. Une terre qui ne veut pas comprendre, qui ne dit rien me voyant partir, ne fait rien pour me retenir. Rien pour me faire revenir..."Mère, pourquoi m'as-tu abbandonné?". C'est le même cri poussé sur une croix envers un père trop près pour entendre. - Maudites soient toutes ces années où j'ai mis mon coeur en guerre. Exilé, ballotté, amputé de ma substance. Banni de sa terre sans avoir péché, intrus quelque part sans vouloir g^ner, l'exilé chante pour s'exorciser.